Si vous êtes un minimum connaisseur de l’univers des comics, le nom d’Alan Moore doit vous êtes familier, il est l’auteur de livres qui sont aujourd’hui des références en terme de lecture. Watchmen, V Pour Vendetta, From Hell ou encore The Killing Joke ne sont que des exemples de ses succès.
En parallèle H.P. Lovecraft est un écrivain du début du 20ème siècle et est une référence parmi l’écriture fantastique surtout connu pour l’ensemble du mythe de Cthulhu. Alors quand l’un des meilleurs auteurs de comics de notre génération décide d’écrire autour d’une légende littéraire, nous ne pouvons qu’être curieux du résultat.
Résumé
Néonomicon & Providence correspond au travail d’Alan Moore sur la mythologie de Cthulhu et du travail de H.P Lovecraft.
Pour être précis, ces 2 tomes imprimés par 2 éditeurs différents couvrent 3 histoires distinctes dans un univers commun et reliées chacune entre elles.
The Courtyard : La première histoire du Néonmicon est, à l’origine, une nouvelle écrite en prose en 1994 et adaptée en comics/roman graphique en 2003. Un agent du FBI, Aldo Sax mène une enquête sur plusieurs meurtres que rien ne semble lier. Son investigation va le mener à trouver un point commun à ceux-ci : L’Alko. La suite dans le livre.
Néonomicon : Le Néonomicon (à ne pas confondre avec le Nécronomicon de Lovecraft) est la suite directe de The Courtyard et est publiée la première fois en 2010. Suite directe de The Courtyard, une nouvelle équipe d’enquêteurs reprend le travail de recherche entrepris dans the Courtyard et les éléments tragiques qui en ont résulté. L’enquête montre un lien direct avec l’œuvre de H.P. Lovecraft et pousse les recherches dans la ville de Salem où de nouvelles péripéties fantastiques vont se produire.
Providence : Providence est une série en 12 tomes publiés à partir de 2015 et correspond à la fin du travail de Moore sur H.P Lovecraft. Cela raconte les recherches d’un jeune écrivain en nouvelle Angleterre sur l’Amérique « caché », l’Amérique « Occulte ». Le point de départ est la quête de lecture d’un livre nommé la sagesse venue des étoiles, livre contenant les 4 règles de la vie éternelle et dont le contenu rendrait fou quiconque aurait lu ces pages. Son aventure va le pousser à rencontrer plusieurs personnages étranges et à être témoin malgré lui de phénomènes inexplicables.
Avis général
Histoire :
L’auteur a pris le pari d’écrire une histoire dans le style propre à Lovecraft, en faisant références à plusieurs livres et nouvelles de l’auteur, en intégrant des faits connus sur l’écrivain voire même en l’intégrant lui-même à l’histoire. Il pousse également le vice en intégrant le panthéon des grands anciens (Voir le mythe de Cthulhu) et une réflexion sur la place de la fiction dans nos vies. Avec tous ces pré-requis, on pourrait penser à une histoire bancale mais pourtant le récit reste passionnant à lire. Les péripéties des 3 protagonistes sont intéressantes à suivre car le tout est tinté de mystique et de fantastique.
Comme vous l’avez sûrement remarqué, en plus d’être édité chez 2 sociétés différentes l’histoire s’étale sur plusieurs années différentes. Bien que l’auteur soit très habile avec le récit, on ressent, surtout sur le Néonomicon, une légère perte de cohérence dans le suivi de l’histoire. Néanmoins, ce léger défaut est totalement effacé sur Providence.
En effet, Providence, bien que se situant à une époque chronologique différentes, donne une conclusion parfaite au récit dans sa totalité. Nous arrivons sûrement au premier point négatif de l’œuvre. Lui seul, le Néonomicon est intéressant mais peut sembler non fini voire même incohérent alors que les différentes histoires de Providence donnent des liens et des références directes au premier tome et rendent le tout beaucoup plus passionnant.
Pour illustrer mes propos, prenons l’exemple du chapitre 3 de providence, le « héros » visite la ville de Salem, où il rentre en contact avec les habitants locaux. Le dialogue entre les différents intervenants nous raconte l’histoire principal de Provodence, les sous-entendus sont une référence directe à la nouvelles « Le cauchemar d’insmouth » de Lovecraft et les lieux visités sont directement en lien avec le Néonomicon en plus d’expliquer la nature des événements de celui-ci.
Pour résumer, l’écriture de cette histoire témoigne de tous les talents de l’auteur qui nous fournit ici, un récit riche. L’histoire est intéressante à lire mais devient passionnante à comprendre quand tous les événements se regroupent.
Je pense quelquefois que cette expérience moins matérielle est notre vie véritable et que notre vaine présence sur le globe terrestre est elle-même le phénomène secondaire ou simplement virtuel
Mise en scène et narration
Bien que l’horreur soit omniprésente dans le récit celle-ci est présentée au début du récit que de manière suggérée puis évolue au court du récit pour être présentée de manière plus froide. La violence n’est pas mise en scène, nous ne retrouverons pas des gerbes de sang exagérées ou des membres découpés à foison mais il n’en reste pas moins que, à 2 reprises, les scènes illustrées soit extrêmement malsaines et choquantes.
Dans tous les cas, l’horreur sert la narration et n’est jamais gratuite. De plus, le découpage des scènes renforce bien ce sentiment de mal-être. Je vous invite à consulter la couverture du chapitre 3 du Néonmicon pour vous en rendre compte.
Autre effet de mise en scène intéressant, le protagoniste de Providence a écrit un Livre de pensée et nous avons la possibilité de lire ce récit à la fin de chaque chapitre. De plus, l’auteur rajoute les différents éléments récoltés au cours de son enquête (dessin d’enfant, publicité, etc..). Bien que ce procédé ne soit pas nouveau chez Alan Moore (Voir Ligue des gentlemens extraordinaires) il n’en reste pas moins un excellent moyen de donner de la cohérence à l’univers, d’avoir un autre point de vue sur les événements passés et/ou l’état d’esprit de l’auteur en plus de nous raconter les différentes péripéties entre chapitre.
Dessin
Je pense que le style graphique de Jacen Burrows ne devrait pas plaire à tous le monde. En effet, la plupart des hommes et femmes représentés le sont de manière plutôt simpliste et peu détaillé à première vue.
Néanmoins, je n’ai détecté aucun faux pas dans les proportions dessinées, les visages sont suffisamment expressifs pour nous faire comprendre la nature de leurs pensées, le travail sur les décors et arrière-plan est suffisamment efficace pour comprendre l’histoire. Le gros points positifs vient de l’illustration des éléments fantastiques qui sont pour certains magnifiques. En résumé, a défaut d’être beau, les dessins sont efficaces.
Pour résumer
Providence et Néononicom sont 3 récits qui m’ont énormément plu. L’histoire est riche et bien écrite. La réflexion de l’auteur sur la place de la fiction dans notre vie est cohérente et le travail de recherches sur Lovecraft est incroyable. En plus, le dessin et la mise en scène sont très efficace.
Néanmoins, je ne le recommande pas à tous. Si la violence vous sort d’un récit, celui-ci ne dérogera pas à la règle. Si vous cherchez une lecture légère et simpliste, ce livre n’est pas fait pour vous et si vous n’avez pas un minimum de connaissance dans toutes l’œuvre Lovecratienne et que vous n’en appréciez pas le style, vous n’allez pas profiter de l’histoire à sa juste valeur. A l’inverse, si les 3 critères cités ne vous ont pas fait fuir, vous allez passer un super moment avec ces 3 récits.